vendredi, août 21

Ode A l'Obe


Plus de mots ce matin, une douce complainte monte du sol, le doux ronronnement de ma machine et les voitures qui font leurs chemins et qui saccadent de lumière, le sombre écrin de mes prières…
Plus de sens ce matin, je ne veux rien penser de plus profond que ma surface, je ne veux que ressentir la texture du plastique qui se tord et le doux froid qui m’endort…
Je n’aspire qu’à m’abreuver de ces petites leçons de vie, comment bruissent les arbres à l’aube, comment parviennent les bruits de loin, et le soleil encore timide qui se pointe à l’horizon…
Je me dis non, je n’écrirais rien sur le dedans, je me sens vide, je me sens flotter, mes pensées sont si futiles, devant le fil…que tisse l’araignée de ce balcon…mon cœur est bien trop petit devant la grandeur de l’horizon…
J’ai trop écrit autour de moi, j’ai trop parlé de mon nombril, de mes émois... et alors que le monde bouge, que le monde vit, que des gens meurent, j’ai peur…d’avoir trop raconté ma vie.
Il y a ce bruit de moteur, celui qui nettoie l’asphalte…il y’a ce bleu qui m’étreint, qui m’enveloppe comme un manteau de fraîcheur et le doux chant des oiseaux…le monde est beau.
Plus de pensées pour ce matin, je ne méditerais plus rien…je caresserais la surface de ma conscience, des ronds dans l’eau, le monde est beau.
Même la ville est poètique sans frénésie, même le bêton s’oublie…le minéral dans toutes ces pierres qui montent et montent…les minarets se perdent dans le sombre ciel qui s’éveille…
Mais l’instant de l’aube est fragile et ne dure qu’un temps…s’éteignent les feux des routes désertes quand de loin un rayon frôle le bitume…pluie de lumière, qui saccade le sombre écrin de nos prières.

jeudi, août 20

De l'origine du Masochisme




J’habitais Sfax, j’avais 15 ans, fraîchement entrée au Pilote et visitant Tunis pendant les vacances, je ne manquais pas une occasion pour rendre visite à la libraire de la Rue de Russie, j’achetais des livres en gros, je lui disais : tout ce qui est bien, je m’en fous…il faut dire que je continue à lui dire la même chose et il pense toujours que j’habite Sfax et que je viens spécialement pour lui.

Et donc, à 15 ans, lors de ces visites étranges, j’achetais un livre étrange : « Vénus à la fourrure », je ne connaissais rien des « perversions » humaines voulues et assumées, je pensais que tout le monde n’aimait pas se faire mal...il se trouve que je venais de lire le livre emblématique de Léopold Von Sacher-Masoch…celui qui donna son nom au masochisme…

Le livre est assez curieux, il n’est pas choquant, dans le vrai sens du terme, quand on a lu Lunar Park et toute la compagnie des psychopathes américains déguisés en écrivains, un roman du 19ème siècle ne pouvait se comparer aux obscénités américaines…mais tout de même, ce livre est étonnant, je découvre un narrateur que je soupçonne d’être auteur, qui signe un contrat avec une femme, pour qu’elle le torture, qu’elle refuse toutes ses supplications, qu’elle le fouette…bien sûr, le tout dans un style à peine érotique où on a l’impression que ce n’est pas une relation amoureuse mais juste un pacte de torture…

J’en suis restée médusée…je découvris le masochisme…quelques années de maturité en plus, et d’observation surtout, je découvrais horrifiée que nous sommes TOUS masochistes…oui, tous, nous avons tendance à l’auto flagellation, nous signons un pacte avec nous-mêmes, de pleurer secrètement notre solitude et puis, nos problèmes de cœur, nous faisons un pacte pour stresser sur des choses tout à fait gérables, de se rendre malades à fumer des saloperies et de sortir les cheveux mouillés…

Moi par exemple, je sombre dans la dépression dès que je passe deux jours enfermée chez moi, et je pique des crises de colère quand je dois gérer 4 sorties par jour…je me lamente sur mon sort, et quand tout va bien, je relis d’anciens mails (le genre qui te font remuer le couteau dans des plaies à peine cicatrisées)…parfois je fais exprès de remuer mes anciens démons, et quand je sors dans un endroit où j’ai vécu un bon souvenir ET un mauvais souvenir et bien je fais exprès de faire ressurgir le mauvais moment..Rien que pour pincer mon cœur, je souffre donc, je vis…

Etre femme (ou fille, ou dame) suppose qu’on a une bonne dose de masochisme en nous, nous adorerions avoir des bambins qui nous feront voir de toutes les couleurs rien que pour les mettre au monde (il faut dire qu’ils nous font aussi entrouvrir le monde merveilleux de la maternité, mais pour développer, j’attendrais Mai) et nous ne voulons que les histoires impossibles…et notre devise : souffrir pour être belle!

Est-ce qu’ils souffrent EUX, pour être beaux ? même pas, ils ont leurs rasoirs qui vont bientôt être équipés d’anesthésiant local, au cas où ça pique un peu, 3 centimètres de cheveux sur leurs têtes qu’ils ne sont pas obligés de brushinguer ou de permanenter…et leurs poils ? Ils en sont fiers!

On se tape l’angoisse pour un rien, les hormones qui nous font pleurer sans raison et un amour génétique (programmé dans le chromosome X, actif que s’il y a un autre X avec) pour le chocolat.

En relisant le livre dernièrement, j’ai tiré la conclusion hâtive et définitive : sacher-Masoch est une femme !

mercredi, août 5

du cri et d'autres démons


Depuis quelques temps je parle beaucoup, conséquence désastreuse j’écris peu…

Depuis quelques temps, je pense avoir perdu mon duvet de naissance, épilation spirituelle oblige, j’ai perdu l’espoir dans la force de l’encre ou du clavier et je crie comme tous les autres autour de moi…

Je crie dans ma voiture et je pense même que parfois je jure, timidement faut dire, laissez-moi du temps l’habitude viendra de solliciter la mère, le père, parfois une tante éloignée et les pauvres grands parents depuis longtemps enterrés.

Et puis je crie dans les cafés et les clubs bondés, avec un baffle à un million de hertz qui m’éclate les tympans, je préfère mieux le son de ma propre voix stridente, ce qui est marrant, c’est que la musique n’a pas intérêt à s’arrêter, parce que je suis généralement en train de médire avec la personne à droite de moi sur la personne qui est à gauche…je n’y peux rien, la faute à l’encre qui manque ou le clavier, comme il vous plaira.

Je crie parfois sur le frangin, cette manie qu’il a de jeter ses vêtements tout autour de l’armoire et jamais dedans, avant, j’en riais et bien maintenant, je suppose que mes voisins connaissent l’étendue de mes octaves et mon "sol" défaillant.

Et puis mes neveux, ce sont des enfants me direz-vous ? L’autre fois ma nièce a fait tomber un plat rempli de sauce rouge bien, rouge, bien huilée sur le sol que je venais de nettoyer…avant je soupirais, maintenant je hurle, à la pleine lune…au plein soleil !

Laissez-moi vous dire que j’entame enfin ma transformation en tunisienne pur sang, râleuse avec une voix super aigue, qui ne supporte plus les embouteillages en chantonnant une chanson, ma radio est en panne en plus ! Et je ressemble de plus en plus à maman, je finis par avoir son impatience, son côté maniaque…et les suraigus de sa voix !

Je lui disais toujours, maman, je ne crierais jamais comme toi, je parlerais calmement au téléphone (maman croit que quand elle parle avec mon frère qui est tout le temps à l’étranger, elle doit crier parce qu’il est loin.euh de quelques milliers de kilomètres), je lui disais, je ne crierais pas parce qu’il y a une miette au sol et je ne dirais rien à mes petits enfants qui jouent en sautant sur les canapés du salon…je lui ai dit ça…

Faut dire qu’il n’y a que les idiots qui ne changent pas d’avis, je ne suis pas une idiote, alors parfois, maman regarde calmement la télé et moi je hurle derrière mon petit neveu pour qu’il arrête de désordonner les coussins du salon ! Et parfois quand ma copine part à Hammamet, je pense qu’il est plus judicieux d’élever le ton, 60 kilomètres, c’est beaucoup tout de même, les câbles risquent de faire faiblir la voix…je vous le disais, voilà !

Le monde change…y’ a des gens qui ne connaissent plus le son de leurs voix, entre texto, mails et écrans interposés, dans la solitude des appartements de ville où les valises ne sont jamais défaites…

Je ne veux pas connaître ça, je veux qu’on m’entende de mille et une façons, qu’on dise, cette folle au volant, cette voisine énervante, cette tante hystérique…de toute manière, les gens parlent tout le temps et oublient aussi.

Et l’autre soir, dans les fiançailles d’une cousine, la musique s’est arrêtée pile avec « mais sa robe est moche » criée à tue-tête ! Maintenant, je fais plus attention aux chansons, j’anticipe leurs chutes…euh, et je ne parle plus de la mariée, je ne parle que des invités, un peu moins de rancune finalement.